Aïki Kohaï : développement de l’aïkido – quelques pistes de travail

Un peu de réflexion ne peut nuire. Face à ce que d'aucuns nomment le "déclin de l'aïkido" qui se manifeste par une décroissance du nombre des pratiquants, les études vont bon train pour décrire le phénomène dans l'espoir de susciter une réflexion constructive en vue d'endiguer le phénomène... Pourtant on trouve rarement des pistes de progrès associées à ces études qui se bornent le plus souvent à des constats. Une voix dans ce concert propose pourtant une série de pistes de travail qui pourraient aider à renverser cette lente décroissance. Je l'ai trouvée dans le blog Aïki Kohaï. Après avoir rappelé brièvement quelques chiffres prouvant les pertes d'effectifs dans les différentes fédération d'aïkido, le texte se poursuit sur les possible solutions à ce marasme,. C'est cett partie qui a retenu toute notre attention et que nous livrons ici à votre réflexion.

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Voici la partie de l'article sur les pistes de travail :

La bataille de l'image :

Dans mon article volontairement polémique "Le piège de l'efficacité et des valeurs", j'ai souhaité il y a des mois proposer quelques orientations simples sans émettre un avis personnel mais je ne suis bien entendu pas le seul à m'interroger sur le sujet.

Des vétérans comme Josh Gold de l'Aïkido journal rédigeait il y a peu un parallèle brut entre les pratiquants d'Aïkido et les dirigeants de la société Kodak, incapables de s'adapter aux changements des nouvelles technologies et de proposer un "produit clair" et moderne basé sur des compétences et une expérience pourtant acquise. Les termes marketing semés dans cet article tels que USP (unique selling proposition) ou "produit fini" vont peut être vous hérisser le poil, mais il n'empêche que le fond du sujet est identique et bien amené :

« Que proposons-nous concrètement aux nouvelles générations ?

De la self-defense ? Une gymnastique ? Un budo (et si oui, pourquoi sommes-nous différents des autres budo, plus proche de l'ikebana et du shodo que du karaté) ? Un art interne ? Un art ? Une tradition ? Autre chose ? Du kata pur et dur ?

Sommes-nous en capacité aujourd'hui de nous accorder pour définir seulement ce que nous proposons ? Et surtout de nous accorder avec les attentes des nouveaux arrivants ? »

Autre exemple, autres questions, Christian Tissier, dans une récente interview réalisée par Jordy Delage, tire différentes conclusions sur ce sujet (que je résume en substance ci-dessous) en comparant l'Aïkido à la boxe, au karaté ou bien au kendo :

« - Plus une pratique est riche, plus elle est limitée dans l'action et moins elle tend vers la compétition.

- L'Aïkido s'inscrit dans le kata à l'instar de certaines écoles anciennes.

- L'entraînement doit être viril (mais correct) pendant une phase de notre entraînement en Aïkido.

- Quelle image souhaitons-nous donner à l'Aïkido aujourd'hui ? Avons-pour objectif de conserver une pratique sous forme de kata ? Où souhaitons-nous une pratique vivante ?

- L'engagement dans les arts martiaux et l'investissement dans le temps n'est plus le même qu'avant.

- Il y a beaucoup d'offres et nous ne sommes pas les seuls.

- L'univers des arts martiaux sportifs s'est professionnalisé. »

À la lueur de ces deux éclairages très différents, il est évident que nous devons gagner tout d'abord la bataille de l'image.

Notre discipline est une tradition avec toutes ses composantes.

C'est un art martial de gentlemen qui disposent de toutes les qualités adéquates (efficacité, richesse, pureté du geste, étiquette) et bénéficie d'une singularité individuelle puisqu'elle est non compétitive. C'est également une pratique culturelle semblable dans son essence à certaines koryu et donc à préserver. C'est enfin une pratique sportive par certains aspects que nous devons admettre, reconnaître mais séparer clairement du reste.

Sans l'entièreté à l'équilibre de ces aspects, nous sommes des morts-vivants.

Sommes-nous aujourd'hui bien renseignés sur la nature globale de l'Aïkido ou tentons-nous de jouer sur tous les tableaux avec la moitié des bonnes informations ? Sommes-nous équilibrés sur l'ensemble de ces sujets ? Est-ce en adéquation avec ce qui est proposé ? Nos professeurs sont-ils formés à cela ? Disposons-nous des éléments de langage ? Du bagage culturel et du niveau nécessaire pour l'enseigner ?

Je n'en suis pas certain.

À mon sens, je suis d'ailleurs convaincu que l'Aïkido se repose bien moins sur ses chercheurs que dans d'autres disciplines. Un chiffre est d'ailleurs accablant : L'Aïkido se repose d'ailleurs moins sur les jeunes générations que tous les autres arts martiaux (bien que nous comptons une multitude de licenciés entre 7 et 12 ans qui stoppent toute activité martiale une fois entrés dans l'adolescence) et dépendent en presque totalité d'une majorité vieillissante comme le démontrent les chiffres fédéraux.

Cette dépendance est en train de dévorer nos effectifs et de démotiver ceux qui continuent le combat pour progresser.

Si nous n'équilibrons pas les niveaux à ce sujet, si nos enseignants se contentent d'être des pourvoyeurs de miettes dans le cadre actuel, tantôt coachs sportifs, tantôt détenteurs de contrevérités bienveillantes, si nous ne sommes pas capables de former et de faire évoluer rapidement, concrètement et efficacement, la démographie va se charger de décider à notre place de l'avenir de la discipline.

Quelques pistes de travail :

En conclusion, des pistes évidentes sont à explorer afin de moderniser et/ou de dynamiser profondément l'Aïkido d'un point de vue national. Elles ne reflètent en rien mon avis personnel ou une quelconque préférence mais sont simplement le fruit du bon sens.

  • N'est-il pas temps de réaliser enfin la fusion pleine et entière de nos deux fédérations ? D'élargir nos groupes de travail aux non affiliés sans nuire à leur autonomie ni à leur identité ?
  • N'est-il pas temps d'ouvrir des parcours de formation (et pas uniquement technique) et de professionnalisation au plus grand nombre, sans distinction de niveau ?
  • N'est-il pas utile de réfléchir aux parcours trop longs des pratiquants prisonniers de techniques rigides, caricaturales et vides de sens ? De simplifier ou de séparer clairement cette partie kata indispensable d'une pratique plus libre ?
  • N'est-il pas temps de multiplier les passerelles entre les disciplines, y compris des disciplines de pied-poing dans des ateliers communs ?
  • N'est-il pas temps d'effectuer des rapprochements concrets avec d'autres disciplines affiliées puisque certains traditions/koryu disposent en France de fédérations officielles et sont directement liées à la généalogie de l'Aïkido. Des groupes d'étude et des traditions méconnues peuvent également disposer d'une mutualisation des moyens en ce sens sans disconvenir à propos de leur autonomie.
  • Peut-être est-il nécessaire également de faciliter plus encore les moyens déjà existants à l'endroit de la professionnalisation, parent pauvre de l'Aïkido ?
  • Le "passage de grade" n'est-il pas profondément à réformer de fond en comble ? Peut-être en imposant davantage des présentations techniques "libres" ? Peut-être en limitant la présentation catalogue au profit d'autres modes d'expression technique avec un ou plusieurs partenaires ? Peut-être en imposant une "partie démonstration" ?
  • Où sont les jeunes et la grande majorité des femmes dans les bureaux associatifs et au sein des organes décisionnaires ?
  • Où sont les Aïkidokas dans les grands événements martiaux (y compris sportifs) ?

Aucune de ces pistes n'est une solution facile, prête-à-mâcher. Certaines vont faire mal. Certaines sont peut-être des erreurs, d'autres de tristes constats. Certaines sont clairement des prises de risques.

À vous de juger, tout simplement.

Ce texte engage l'auteur et nous en reproduisons la lettre pour susciter la réflexion de toutes celles et de tous ceux qui ont à coeur le développement de notre discipline. Nul doute que nous serons amenés à en reparler !

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