Du Dojo comme élément fondateur de la pratique Aïki

Bonjour,

S’il est un avantage à cette période troublée, c’est qu’elle nous oblige à réinterroger nos pratiques, nos outils et nos certitudes sur la discipline, tant sur le fond que sur la forme.

Et parmi ces outils, le « Dojo » tient une place centrale en ce qu’il représente le lieu même où s’exécute la promesse Aïki, son fondement. Le Dojo est en effet à la fois une « école », un « laboratoire » et un lieu de cérémonie, un « temple », comme l’indique Franck Noël dans son dernier ouvrage Réflexions, digressions et divagations sur la Voie (p. 62).

  • Une école car c’est le lieu où l’enseignement est prodigué sous la direction d’un professeur qui décline ses choix et ses séquences pédagogiques.
  • Un laboratoire car c’est l’espace où se déroule la recherche Aïki, un espace protégé, aseptisé où l’on tente d’apprivoiser collectivement le thème de l’étude (la violence), de doser, régler, ajuster les différents paramètres afin de produire des résultats toujours provisoires.
  • Un temple car c’est le lieu sacré de l’étude et de la purification, gouverné par un rituel collectif destiné à faciliter le transport du corps et de l’esprit vers une dimension élévatrice autrement plus difficile à atteindre.

Mais alors, que devient la notion même de Dojo (et partant l’aïkido) lorsque le Dojo en tant que condensé de tous ces espaces est fermé et que les cours ne se pratiquent plus qu’à l’extérieur ?

Qu’advient-il alors de la sacralité du lieu et du cérémoniel, censés être indispensables pour jouir pleinement de la pratique et s’élever vers l’idéal Aïki ?

Que dire de la recherche lorsqu’il n’y a plus de partenaire et donc d’altérité ni d’alternance dans le travail des rôles ? Lorsque le contact physique est interdit, au profit du seul travail des armes en solitaire ?

Qu’est-ce qu’un Dojo où il faut éviter de se serrer la main, de s’embrasser, de se préparer ensemble au cours dans les vestiaires, de s’attarder après le cours en bavardant autour d’une bière et j’en passe… ?

Si tous ces éléments constitutifs de notre expérience du Dojo, donnant sens et consistance à la pratique elle-même n’ont plus cours, quelle sera notre nouvelle façon d’habiter le Dojo désormais ?

Ceux qui ont poursuivi la pratique d’une façon ou d’une autre pendant ces quelques mois étranges (cours à l’extérieur, stages d’été sous protocole sanitaire strict, cours en ligne…) ont déjà goûté ce nouveau rapport au Dojo et à l’aïkido, avec son lot de satisfactions, de frustrations et de sensations contradictoires.

Pour les autres, rendez-vous dès septembre dans vos dojos, vous m’en direz des nouvelles !!

En attendant, si on allait au bout de la logique, imaginons que le Dojo tel que nous le connaissons, permanent, immuable, traditionnel disparaissait complètement ? Terminé, basta, over… Que deviendrait l’aïkido ?

Nous n’en sommes certes pas là mais la question mérite d’être évoquée, et même si l’histoire de la discipline a pu mettre en exergue son extraordinaire vitalité, le défi posé par la situation actuelle reste inédit.

A mon sens, il n’a jamais été aussi urgent de témoigner de notre amour/engagement pour nos dojos car plus qu’un simple contenant, le Dojo décide largement du contenu même de la pratique. Il la fonde, la détermine, l’oriente et la sublime.

On peut évidemment tout imaginer, une pratique sans dojo ou dans un « dojo adapté Covid » et, tant que cette mise entre parenthèses reste provisoire, elle peut même amener à des changements positifs dans notre rapport à la pratique, mais sur le long terme, la question de la survie des dojos et donc de l’aïkido sous la forme que nous lui connaissons, est posée.

A nous de trouver les moyens d’accompagner au mieux cette évolution, dans le respect des principes et des valeurs qui nous ont permis de nous épanouir jusqu’ici !

Et ceci concerne tout le monde, pratiquants, dirigeants, anciens, nouveaux, professionnels ou amateurs…

Portez-vous bien.

Gaston Nicolessi

Gaston NICOLESSI, 5ème dan, titulaire du DEJEPS.

En juin 2018, il reprend le dojo de la Roseraie, dans la continuité de l’esprit du lieu créé par Franck NOEL. . Il est également membre des Collèges Techniques National & Régional (Occitanie) de la Fédération Française d’Aïkido Aïkibudo et Affinitaires (FFAAA).

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