Un archer parcourait la forêt depuis des heures à la recherche de gibier. Il finit par relever les traces d’un cerf et il se mit à le suivre. En passant près d’un sanctuaire où vivait un Maître Ch’an, il rencontra le moine et en profita pour lui demander s’il avait vu passer le cerf qu’il traquait.
- « Ah bon, vous chassez les cerfs », répliqua le vieux moine, « mais, dites-moi, combien pouvez-vous en toucher avec une flèche ? »
- - « un seul », répondit le chasseur.
- - « Eh bien, vous vous donnez beaucoup de mal pour si peu. »
- - « Que voulez-vous dire ?... Et puis, d’abord, que connaissez-vous au tir à l’arc ? »
- - « je pratique moi-même l’Art du tir », affirma le moine Ch’an.
- -« Alors, combien pouvez-vous en toucher avec une flèche ? », demanda ironiquement le chasseur.
- - « Tout le troupeau. »
- - « C’est impossible. Ne me racontez pas d’histoires. ».
- - « Qu’en savez-vous ?...Mais je dois vous avouer qu’il y a une méthode pour parvenir à cela. »
- - « Ah oui, et laquelle ? »
- - « Il faut apprendre à se tirer soi-même jusqu’à ne plus se manquer. »
- - « J’avoue que je ne saurais même pas comment m’y prendre pour me viser. »
On dit que le chasseur, confronté à ce problème apparemment insoluble, eut soudain un éveil, un « satori » comme disent les Maîtres Zen, et il décida de s’attacher aux pas du vieux moine pour apprendre l’art de viser son propre cœur.
Conte extrait de l'ouvrage : Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon, réunis par Pascal Fauliot, Préface de Michel Random, "Spiritualités vivantes", Albin Michel éditeur.