Positions et attitudes en Aïkido (François Penin)

Pour faire suite aux cours et au travail des dernières semaines sur la position du corps, je vous laisse pour lecture un écrit tiré de mon dossier de BEES 1er degré sur ce thème, qui je l'espère vous apportera un éclairage complémentaire.

Dans le cadre des cours que je dispense, je suis amené à préparer mes élèves à l’obtention d’attitudes corporelles propres à la pratique de cette discipline.

Il convient en préambule de définir deux termes couramment utilisés, d’une part l’attitude qui correspond à la manière de tenir son corps et d’autre part la position qui situe une chose dans l’espace.

Le travail proposé revient donc à l’apprentissage d’une tenue de corps, notamment à travers l’acquisition et la maîtrise de la situation de son corps dans l’espace, avec pour but ultime la coordination et l’harmonie du corps et de l’esprit.

De façon traditionnaliste, l’aîkido base son étude sur l’acquisition de la stabilité et la construction de l’individu autour de son centre de gravité pour l’occidental, le « hara » pour le japonais ou  « seika tanden » pour Maître Ueshiba.

On retrouve bien dans le dessin de l’homme de vitruve cette image de centre, ou le poids atteint sa concentration et son aplomb maxima.

image de l’homme de Vitruve.

La première attitude corporelle recherchée est la position la plus verticale possible des segments des rachis dorsal, lombaire et cervical au cours de la pratique.

L’intérêt de cette recherche est multiple au niveau de la pratique, à savoir :

  • Amélioration du champ visuel en terme d’amplitude. Ainsi le fait de baisser la tête (fléchissement dans le plan sagittal de la tête) pour fixer son regard sur un point de saisie peut amener à réduire considérablement le champ visuel, par la même la  perception de l’environnement et de la vigilance.
  • Action sur la respiration : La position verticale limite les pressions sur l’appareil respiratoire que ce soit au niveau des voies aériennes supérieures lors du fléchissement de la tête ou au niveau de la cage thoracique lors du fléchissement dans le plan sagittal avant des rachis dorsal et lombaire (limitation de l’accroissement  de volume de la cage thoracique nécessaire à l’augmentation solidaire de la surface des poumons utile à la genèse  de la dépression indispensable à l’arrivée d’air dans les poumons).
  • Action sur l’équilibre : le positionnement de ses segments de rachis intervient sur la position du centre de gravité.

Pour aider les pratiquants, en dehors des explications théoriques, j’utilise le travail technique.

La première approche et conditionnement sont  appliqués sur la position de seiza en début et fin de cours. J’insiste sur ce positionnement vertical propre à faciliter la concentration mentale et la décontraction musculaire.

Puis, je reviens sur ces positions dans le cadre des exercices proposés, que ce soit sur des exercices d’échauffement permettant l’intégration de la sensation d’équilibre, de regard ou sur des exercices techniques sur lesquels je focaliserai l’attention.

La seconde attitude corporelle travaillée est le placement de la ceinture pelvienne pour favoriser les déplacements et contrôler l’équilibre dans la pratique.

L’utilisation d’exercices incorporés à l’échauffement me permet d’aborder cette thématique.

On peut ainsi utiliser les changements de positions de garde « kamae » ou « hito e mi » pour apprendre à se replacer au niveau du bassin et mettre en place les tensions musculaires au niveau des membres inférieurs de sorte à favoriser le déplacement ultérieur (taï-sabaki , irmi-tenkan).

On retrouve ainsi dans les critères observables :

  • Le positionnement du bassin en rétroversion (observation des hanches qui poussent sur l’avant, les fessiers sont serrés, les muscles abdominaux — grands droits et obliques —  mettent par leur travail  le bassin en rétroversion), les hanches ouvertes permettant à terme la mobilité,
  • Un écartement entre les pieds favorisant à la fois une bonne répartition de la charge corporelle sur les appuis au sol et une mise sous tension par une flexion de la jambe avant et une extension de la jambe arrière ( observation du genou avant placé  à la verticale du gros orteil, angle entre la verticale passant par l’axe de la tête et la jambe arrière d’environ 45°),
  • Un positionnement des pieds en terme d’orientation dans la direction de travail  (l’angle défini par les deux pieds tendant vers 45°).

Le poids du corps est ainsi également réparti entre les deux jambes,  le centre de gravité placé à la verticale du polygone de sustentation.

A partir de ces bases, j’aborde leur mise à profit dans le cadre de la technique et des déplacements. Je peux ainsi expliquer l’importance de la position sur la qualité du déplacement en termes de disponibilité et mise en mouvement du corps.

La mise en mouvement implique de placer le centre de gravité en frontière  du polygone de sustentation, soit à la limite du point d’équilibre puis de le gérer.

Ainsi depuis cette position de garde, la préparation du corps permet au membre inférieur arrière de produire l’impulsion  initiale du mouvement avant alors que la flexion et l’extension du membre inférieur avant permettra la mise en mouvement arrière.

La position de départ permet aussi la variabilité des axes de travail dans le déplacement et la modulation de l’amplitude initiale nécessaire à la gestion de la distance avec le partenaire. Un écart trop accentué au niveau de la distance de pieds, à l’image du sprinteur dans ses starting blocs limitera les variations d’angle de déplacement.  Une distance trop rapprochée des deux pieds limitera quant à elle la puissance développée au lancement du mouvement horizontal au niveau des membres inférieurs et par conséquent l’accélération et la plage de distance parcourable au démarrage du mouvement.

Le positionnement des segments de rachis sur la partie supérieure, du bassin et des membres inférieurs, permet de travailler et d’appréhender la gestion du déséquilibre nécessaire à la pratique de l’aïkido. Elle impacte directement le placement du centre de gravité du corps, qui à son tour favorisera ou non le déplacement dans l’exécution technique.

Il apparait  donc primordial d’expliquer et de cultiver ces attitudes corporelles pour permettre la compréhension de la logique et l’acquisition des techniques martiales de la discipline.

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